lundi 9 mars 2015

Vaccins et Vaccinations (article paru sur le site de l'inserm)

Vaccins et vaccination (site Inserm)


Vaccins et vaccination

C'est quoi un vaccin ?
Sauf exception, il est donc administré à des personnes bien portantes : la stimulation de leur système immunitaire par le contact avec une forme atténuée ou inactivée d’un agent infectieux (bactérie, virus, parasite, toxine) permet d’éviter une éventuelle contamination dans l’avenir.
Les premières observations sur les maladies infectieuses datent de l’Antiquité, et les Chinois ont compris très tôt le principe de la variolisation, ancêtre de la vaccination moderne. Mais c’est bien sûr la « révolution pastorienne » qui a fait du vaccin un enjeu de santé publique et de recherche scientifique, dès la fin du XIXe siècle : après Jenner et Pasteur, Koch et plusieurs géants de la microbiologie ont fait entrer la prévention des maladies infectieuses dans l’ère de la médecine expérimentale.
Les progrès de l’immunologie, puis de la biologie moléculaire et des biotechnologies apportent aujourd’hui la perspective d’une nouvelle révolution vaccinale pour le XXIe siècle.
Le vaccin : un "confluent"
Comme l’a relevé Philippe Kourilsky dans sa leçon inaugurale au Collège de France, le vaccin peut être décrit comme un "confluent" : entre le bien et le mal (on utilise un agent potentiellement mortel pour empêcher la mort), entre la nature et la culture (on exploite les propriété immunitaires naturelles de façon artificielle), entre prévention et thérapie, entre microbiologie et immunologie (les deux disciplines concernées), entre science et industrie, entre logique marchande et logique humanitaire… C’est la raison pour laquelle le vaccin n’est pas seulement un enjeu scientifique, mais aussi une question de société.

Fonctionnement d’un vaccin

L’organisme possède deux grandes lignes de défense immunitaire, innée et adaptative. La première fonctionne dès la naissance (sauf pathologie spécifique) : tout corps étranger (le non-soi) provoque une réaction immunitaire. Celle-ci est automatique et non-spécifique. Elle est aussi sans mémoire. La seconde ligne de défense est une réaction spécifique à des agents infectieux : de nature humorale (anticorps) et cellulaire (lymphocytes T, cellules NK), elle réagit à l’attaque d’agents infectieux comme les virus, les bactéries et les parasites. Mais cette défense immunitaire adaptative est dotée d’une mémoire : si l’agent se représente, il sera identifié. C’est la raison pour laquelle le fait d’avoir subi certaines maladies (comme la rougeole ou les oreillons) nous immunise dans 90 % des cas contre une seconde attaque.
Les cellules infectées par le virus recombinant synthétisent une protéine d'enveloppe (HR ou F du virus de la rougeole, les antigènes apparaissent en jaune) autour de la surface des cellules.
Les cellules infectées par le virus recombinant synthétisent une protéine d'enveloppe (HR ou F du virus de la rougeole, les antigènes apparaissent en jaune) autour de la surface des cellules.
La vaccination est fondée sur cette propriété de notre système immunitaire. Un agent infectieux atténué (vaccin contre la tuberculose ou la poliomyélite) ou une toxine désactivée (tétanos et diphtérie) non pathogène est présenté au patient, sous forme d’une injection, éventuellement d’un spray nasal. Le système immunitaire "apprend" à reconnaître les antigènes de l’agent introduit, c’est-à-dire un ensemble de molécules, protéines ou sucres complexes qui lui sont propres. Lors d’un second contact avec le même agent infectieux, l’organisme présente une réponse très rapide qui est déterminante pour la protection du patient.
Rougeole : recrudescence et priorité vaccinale
Contrairement aux idées reçues, la rougeole n’a pas disparu : elle est même en nette recrudescence depuis trois ans. Depuis le 1er janvier 2008, plus de 22 000 cas de rougeole ont été déclarés en France, avec un pic épidémique atteint en mars 2011 (source InVS). Cela est dû notamment à une vaccination partielle (une seule dose au lieu de deux), ainsi qu’à une trop faible couverture vaccinale de cette maladie alors qu’il faudrait un taux supérieur à 95 % pour assurer une protection collective. La rougeole touche aussi bien les nourrissons, les adolescents que les adultes, et son issue peut être mortelle.

Progrès dans la conception des vaccins

Centre d'infection et immunité de Lille, U1019 - Laboratoire de l'équipe "Infections respiratoires bactériennes : coqueluche et tuberculose". Unité 1019, Centre d'infection et immunité de Lille. Microscope en fluorescence et visualisation à l'écran du vaccin BCG.
Centre d'infection et immunité de Lille, U1019
Les vaccins ont longtemps été conçus de manière empirique. Les progrès de la biologie cellulaire et moléculaire ont considérablement amélioré la compréhension des mécanismes et la maîtrise de leur administration. Ainsi, on peut identifier des sous-unités d’agents infectieux qui comportent non pas le virus ou la toxine dans sa totalité, mais les éléments suffisants pour provoquer la réponse mémoire du système immunitaire. La connaissance précise des antigènes impliqués (les protéines d’identité et de reconnaissance cellulaires) permet d’améliorer l’efficacité et de limiter les effets secondaires.
On a par ailleurs identifié dès 1925 des moyens de rendre la réponse immunitaire au vaccin plus efficace. Cette amplification passe par l’adjonction de molécules appelées des "adjuvants". Les premiers ont été des sels d’aluminium et beaucoup de vaccins conventionnels en contiennent encore. À la fin des années 1990, le squalène (précurseur des stéroïdes) a été introduit dans certains vaccins, notamment antigrippaux. Aujourd’hui, les laboratoires travaillent sur des stimulateurs de l’immunité, des supports microparticulaires et des émulsions susceptibles soit de renforcer l’efficacité de la vaccination, soit d’étendre la réponse immunitaire et donc la protection vaccinale à des agents infectieux jusqu’ici impossibles à maîtriser. Par ailleurs, les adjuvants ont de nombreux avantages : stimulation de la réponse immunitaire de la personne âgée (vaccination contre la grippe saisonnière), augmentation de la protection à long terme, protection large et croisée en cas de pandémie, diminution des doses d’antigène nécessaires par vaccin.
La mise au point du vaccin contre le cancer du col de l’utérus (HPV) a par exemple été rendue possible par l’analyse génétique détaillée des différentes souches du virus et par l’utilisation de systèmes d’adjuvants. Des travaux similaires sont menés dans la recherche de vaccins contre le paludisme (Psalmodium) et le sida (VIH).
Quelques pistes pour les vaccins du futur
Plusieurs pistes sont explorées pour rendre les vaccins plus efficaces ou en créer de nouveaux contre des agents infectieux résistant à l’atténuation / inactivation utilisée dans la vaccination classique. Parmi ces pistes :
Neutralisation par génie génétique : il s’agit de rendre inoffensive une souche infectieuse en agissant directement sur les gènes responsables de sa virulence ou de sa pathogénicité. Le coût économique est moindre.
Vaccins recombinants et microbes présentoirs : la recombinaison génétique permet de produire des molécules mixtes qui provoquent une réaction immunitaire contre un vecteur unique représentant plusieurs virus ou bactéries.
Vaccins conjugués : lorsque les antigènes de l’agent infectieux sont insuffisants pour produire la réaction immunitaire attendue, on les couple à une protéine porteuse.
Vecteurs non réplicatifs : il s’agit d’obtenir un effet immunogène en évitant la réplication dans l’organisme, par insertion des antigènes dans des « enveloppes vides ».
Vaccination génétique ADN / ARN nu : cette variante de la thérapie génique consiste à insérer dans les cellules un fragment d’ADN ou d’ARN qui va directement coder pour un antigène vaccinal.
La vaccination : un enjeu de santé publique
On estime que la découverte du principe de la vaccination a sauvé la vie de 2 millions de personnes chaque année dans le monde (OMS 2005). De nombreuses campagnes internationales ont été couronnées de succès : éradication de la variole (entre 1967 et 1977), initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite (depuis 1988, baisse de 99 % des cas dans les 15 premières années), coordination des campagnes nationales contre la rougeole (baisse de 40 % des cas à l’échelle planétaire entre 1999 et 2003). La couverture mondiale par le DTC3 (trois doses du vaccin associé antidiphtérique-antitétanique-anticoquelucheux) était de 20 % en 1980 et a atteint 80 % dans les années 2000.
Les bénéfices de la vaccination sont individuels, mais ils s’évaluent aussi en terme de santé publique. Ainsi, la vaccination à l’échelle d’une population a pour effet de diminuer l’incidence des maladies concernées, les traitements toujours coûteux, l’hospitalisation, les handicaps résultant de certaines pathologies, les incapacités et la perte de productivité, la souffrance et les effets à long terme en perte d’années de vie. En tant que stratégie préventive, la vaccination a un effet socio-économique positif. Dans les pays en développement, l’absence de stratégie vaccinale aggrave les coûts de dépense de santé des budgets publics, ainsi que ceux des budgets des foyers qui ne bénéficient pas de protection sociale efficace. La désorganisation sociale résultant de certaines épidémies (comme le sida en Afrique noire) produit par ailleurs des effets secondaires néfastes sur le développement scolaire, économique, cognitif.
Pourquoi la vaccination fait débat ?
Les enquêtes menées depuis plusieurs années montrent qu’environ 85 % de la population française fait confiance aux vaccins (Jean-Louis Noël 2008). Mais cela signifie que 15 % manifestent une réticence ou une hostilité. Les récentes polémiques autour de la vaccination contre la pandémie grippale A(H1N1)v ont provoqué une montée de ces oppositions, dont l’Académie de médecine s’est inquiétée. De nombreux facteurs concourent à cette réticence : mauvaise information, montée de l’individualisme et "désolidarité" (insensibilité à la dimension publique de la prévention), crainte sur la sécurité des processus de fabrication des industriels ou sur les effets secondaires… Les enquêtes montrent que toutes les catégories de population ne sont pas informées sur les vaccins : les hommes, les plus âgés, les moins instruits et les migrants ont un risque plus élevé de moindre connaissance des réalités vaccinales.
Quelques défis actuels et futurs de la vaccination
  • Les maladies émergentes font peser un risque infectieux à grande échelle, qui est aggravé par la circulation désormais rapide des personnes et des biens dans une économie mondialisée. Le SRAS et la grippe aviaire ont donné les exemples de premières alertes sérieuses à l’échelle mondiale.
  • Plusieurs cancers ont pour origine des virus : des lymphomes (virus Epstein-Barr, TTLV), des cancers colorectaux (CMV), des leucémies (HTLV), des hépato-carcinomes (HBV, HCV), des cancers du col de l’utérus (HPV).
  • Dans certaines maladies infectieuses non transmissibles, comme par exemple la varicelle-zona (herpès virus HHV-3), le virus survit dans l’organisme mais peut se réactiver à tout moment. Des vaccins peuvent prévenir ces réveils chez le sujet sain.
  • Chaque année, 11 millions d’enfants meurent de pathologies infectieuses (Boccoz 2008). Plusieurs d’entre elles pourraient être combattues par la vaccination, notamment les infections respiratoires aiguës à pneumocoque (8 % de la mortalité) et à Hib (4 %), la rougeole (5 %), la coqueluche (3 %), les diarrhées à rotavirus (3 %), le tétanos (2 %).

  • Le sida continue ses ravages (environ 33 millions de patients dans le monde, Onusida 2008), notamment en Afrique noire qui totalise les deux-tiers des personnes infectées par le VIH et 72 % des décès. Entre 2,5 et 2 millions de personnes sont infectées chaque année. Les virus d’immunodéficience humaine ont pour le moment résisté aux tentatives de mise au point d’un vaccin préventif ou thérapeutique.

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